La première impression

Lorsqu'il la repoussa, la jeune femme fit une moue déçue et agacée. Elle le regarda à son tour, la vision brouillée par l'alcool et les larmes qui perlaient au coin de ses yeux.

- Pourquoi tu fais ça...

Elle se délivra de l'emprise de ses mains et lui donna un coup de poing sur le torse sans aucune puissance. Elle se rapprocha de lui et passa ses bras autour de son cou, positionnant son visage à quelques centimètres du sien.

- Viens chez moi...

Un serveur passa à ce moment-là et adressa un clin d'œil à l'homme.

- Ça fait des semaines que j'essaie de conclure avec elle sans succès.  Profite bien et tu m'enverras des photos hein, en guise de pourboire ou même d'addition.

Il débarrassa les tables et rentra dans le bar. Aya, quant à elle, tira l'inconnu par le tissu de son haut et tenta de l'entraîner vers son immeuble, ses yeux brillants dans les siens.

La jeune femme se serra contre l'inconnu et le guida vers l'immeuble, s'appuyant sur lui. Les gens pouvaient la regarder de travers, elle s'en fichait. Ils savaient très bien qui elle était et qu'il ne fallait pas la chercher. D'ailleurs, malgré l'alcool, elle avait su capter quelques regards paniqués vers le jeune homme. Ils avaient sans doute peur qu'il ne lui arrive quelque chose.

Dans son état actuel, tout et son contraire pouvait arriver. Et tout le monde ici le savait.

Ils prirent l'ascenseur et montèrent au dernier étage, qui était verrouillé par un code et une clé. Si l'on souhaitait y aller, il fallait soit ces deux éléments soit avoir l'autorisation de la jeune femme.

Arrivés là-haut, elle le laissa entrer en premier, et alors qu'il avançait, elle se déshabillait au fil de ses pas. Elle avait jeté son dévolu sur lui et elle comptait bien le faire craquer pour pouvoir penser à autre chose et s'amuser.

Elle se dirigea vers un meuble en verre et en sorti deux verres qu'elle remplit d'alcool, en prenant garde qu'il ne la voit pas de la sorte. Du moins pas pour le moment.

Aya s'approcha alors de lui. Se collant contre son dos, ses lèvres sur sa nuque, un bras le serrant contre elle, l'autre ayant glissé vers l'avant pour lui tendre un verre.

- Un dernier verre ?

Sa voix était douce et suggérait de nombreuses choses, tandis que son regard flambloyait et son corps brûlait.

Lorsqu'il se retourna, la jeune femme sourit et raccourcit le dernier centimètre qui séparait leurs lèvres jusqu'à ce que leur bouche s'effleure subtilement. La lueur qu'elle avait donné à ses yeux disparut, laissant place à une flamme qui pouvait consumer cet homme de désir.

- Ose, je suis bien plus consciente que tu ne le penses.

Elle passa ses doigts le long de sa nuque et le força à baisser les yeux pour la regarder. La jeune femme attrapa ses mains et les glissa sur ses hanches, en prenant bien garde à ce qu'il sente ses doigts caresser sa peau.

- L'alcool n'a plus tellement d'effet sur moi... Mais je m'en amuse, grâce à lui, je peux passer du bon temps, n'est-ce pas ?

Elle lui avait dit cela au creux se son oreille, le moindre de ses gestes avait pour but de faire monter la température.

- Laisse-toi aller, après tout, nous savons tous les deux comment cela va finir. Autant y aller franchement non ?

Alors qu'elle avait passé ses mains sous le haut de son interlocuteur, elle recula et alla se servir un autre verre. Elle savait qu'à cette distance, il verrait l'intégralité de son corps, alors elle tinta tous ses mouvements d'une extrême sensualité.

- Ne veux-tu pas t'amuser aussi ?

Aya le regarda le plus sérieusement du monde, ses yeux fixant les siens, sans s'approcher.

- Tu ne t'enfuieras pas. Et qu'entends-tu par "me capturer" ?

Ses lèvres s'étirèrent en un sourire simple mais sûr de lui.

- À l'instant même où tu as posé tes yeux sur moi, toi-même tu as su que tu ne pourrais pas t'enfuir.

Elle fit quelques pas vers lui et lui retira son t-shirt, qu'elle envoya de l'autre côté de la pièce. Ses doigts le tirèrent par la ceinture vers elle, sans qu'elle ne le lâche du regard.

- Laisse-toi aller.

Aya l'embrassa à nouveau avec passion.

- On en a tous les deux envie, alors pourquoi tourner autour du pot ? Pourquoi attendre ?

La jeune femme s'écarta encore de lui pour l'entraîner petit à petit vers le lit.

Lorsqu'il la souleva du sol, la jeune femme sut immédiatement ce qu'il lui restait à faire. Elle défit le noeud de sa robe de chambre qui s'ouvra alors sur son buste, le tissu recouvrant encore tout de même le bas de  son corps, coincé sous les bras du jeune homme. Ses doigts fins se frayèrent un chemin dans sa chevelure tandis que ses lèvres caressèrent le cou de Matt.

Elle se cambra légèrement afin que sa poitrine rencontre le torse nu de son partenaire, brûlant. Puis, elle le regarda droit dans les yeux, sans un mot, cherchant jusqu'à la plus petite étincelle de désir dans son regard. Ses mains glissèrent au niveau de sa mâchoire, et elle l'embrassa.

Aya resserra l'étreinte de ses jambes autour de lui afin de se coller contre son corps et tira sur sa robe de chambre afin de la retirer définitivement, la laissant tomber aux pieds de l'homme. Elle alla mordre son épaule, doucement, se laissant transporter, les cheveux recouvrant une partie de son visage et laissant échapper son doux parfum.

Aya n'avait pas pu s'empêcher d'afficher un sourire satisfait lorsqu'elle le vit s'abandonner à son désir. Cela n'avait pas duré longtemps avant qu'ils ne fusionnent et qu'elle obtienne ce qu'elle désirait : son plaisir était comblé. La scène avait duré un certain moment et cela n'avait pas été pour lui déplaire, ils s'endormirent presqu'aussitôt, épuisés par tant d'effort.

Aya se réveilla péniblement autour des 5h30 du matin. Son premier réflexe fût de jeter un coup d'œil à son portable et de lire les nouvelles. Une attaque terroriste, plusieurs même, non loin d'ici. La jeune femme soupira devant la faiblesse des gouvernements et leur incapacité à contenir une maladie pareille. Mais aussi devant leur cupidité, celle qui les poussait à échanger quelques accords contre la vie de leurs citoyens.

Après avoir baillé et s'être remémoré par brides le rêve que son réveil avait arrêté, elle posa les pieds sur le parquet froid de sa chambre. Il faudrait qu'elle songe à allumer le chauffage au sol. Elle attrapa sa paire d' écouteurs par dessus le corps endormi de sa conquête de la veille, qu'elle brancha à son téléphone et fouilla dans ses musiques quelque chose qui saurait calmer son cœur qui battait encore sous l'effet de son rêve.



La jeune femme se dirigea vers ses toilettes, du Caravan dans les oreilles pour se détendre. Assise face à la porte, tous ses sens malgré elle étaient en éveil. Aya baissa le volume pendant quelques secondes avant de l'augmenter pour le pousser au maximum. Elle se leva, se lava les mains et ouvrit la porte.

Elle sortait à peine qu'un homme de plus d'1m90 se jeta sur elle. Il manqua de justesse sa cible puisqu'Aya avait immédiatement fait un pas en arrière. Elle n'avait rien pour se défendre si ce n'était du papier toilette. Et éventuellement du savon dans un contenant en verre.

Elle le saisit juste avant qu'il ne l'attrape et tenta de lui éclater au visage. Une fois déstabilisé, elle se fraya un chemin entre le mur et ses hanches et attrapa une espèce de vase d'environ 1m20 en métal dont elle se servit pour parer le coup de son adversaire et lui en porter un où elle le put. Il dressa son avant bras juste avant qu'elle ne le touche et le choc entre sa musculature et l'arme improvisée d'Aya la fit lâcher le vase et battre en retraite.

Le couloir était étroit et la carrure de l'homme ne laissait que peu d'espace entre ses épaules et les murs. À chaque fois qu'elle le pouvait, elle attrapait des objets à la volée pour le frapper, encaissant à son tour les coups qu'il lui portait.

Arrivée au bout, elle se glissa dans une pièce sur le côté et laissa la porte entre-ouverte. Elle analysa rapidement la situation et ses yeux furent attirés par un tiroir qui contenait, elle le savait, une arme à feu. Alors qu'elle s'était dirigé en sa direction, l'homme l'attrapa par la cheville et la fit tomber.

Il la traîna jusqu'à ses pieds et commença à la frapper au ventre et sur les côtés. Malgré la douleur, elle réussit à éviter un coup, ce qui déstabilisa son adversaire. Elle en profita pour lui assener un coup de pied dans la mâchoire, puis elle frappa violemment au niveau de sa glotte avant de le déséquilibrer et de le faire tomber en lui balayant les pieds.

Elle se dirigea en boîtant et se tenant le ventre vers le tiroir et en sortit une arme à feu. Aya s'assit sur son torse, une jambe de chaque côté de son corps et tira entre ses yeux. Elle sentit le sang lui gicler au visage, mais aussi un autre arriver sur sa gauche, beaucoup plus fin et agile.

Elle leva son arme et lui tira en pleine poitrine. La jeune femme grimaça de douleur lorsqu'il s'effondra. Une multitude de bout de verres transperçait la peau de la paume de sa main droite et les coups qu'il lui avait portés n'avaient pas été ménagés.

La jeune femme se leva,, passa son bras sur son visage et sa main gauche dans ses cheveux pour les remettre en place. Elle fit son sac en enjambant les corps. Pas la peine de les fouiller, elle savait qui ils étaient et pourquoi ils étaient venus. Elle savait juste qu'elle change de planque. Elle ne prit pas non plus le temps de nettoyer et évacuer les corps, ils allaient s'en charger. Ils n'allaient certainement pas laisser deux agents ici, à la vue de la police et des médias.

Sur le pallier, elle jeta un rapide coup d'œil derrière elle avant de fermer la porte. Elle ne s'était pas lavée non plus. De toute façon, en Russie, à cette heure, elle n'allait choquer personne.

Le bruit de la porte claquant la réveilla pour de bon. La jeune femme était essoufflée par le rêve qu'elle venait de faire et en sueur. Elle abandonna son lit et sa conquête pour se diriger vers la salle de bain, pour faire couler l'eau dans sa baignoire.

Ce souvenir scandinave lui fit se rendre compte que cette époque lui manquait, où elle ne s'était pas imposé autant de responsabilités, où personne ne la connaissais et n'attendait rien d'elle. Quelle idée avait-elle eut de revenir ici ? La chute d'Heaven avait représenté une telle opportunité... Elle aurait dû refaire sa vie.

Mais jamais elle ne l'aurait pu.

La mousse de son bain qui l'avait recouverte avait totalement disparu, laissant son corps nu visible à travers l'eau. La jeune femme ne s'était pas rendormie, le regard fixe, dans le vide. Elle ne cessait de réfléchir. Elle avait envie d'abandonner toutes ses responsabilités et juste s'amuser, tout le temps. Elle n'avait pas eu d'adolescence, grandit trop vite.

Son corps était gelé à cause de l'eau froide et le manque de chauffage, mais elle n'en tenait pas compte. Sa mâchoire s'était contractée par réflexe, lui donnant un air sévère et grave. Son esprit flottait mais des bruits de pas la firent sortir de sa torpeur.

Elle sortit alors de son bain en silence et attrapa une arme, avant de se reglisser dans l'eau, l'entrée de sa salle de bain en joue, prête à tirer. Les pas se rapprochèrent et dès que l'homme arriva, elle tira. La jeune femme avait eu cependant le temps de détourner son arme après avoir aperçu Matt. La balle passa à à peine plus d'une dizaine de centimètres de son visage.

Aya jeta immédiatement son arme et bondit hors de la baignoire, se précipitant vers lui, encore mouillée pour vérifier qu'il allait bien. Son rêve l'avait beaucoup trop tendue.

Elle passa sa main à plusieurs reprises sur la joue du jeune homme pour le calmer et ralentir les battements de son propre cœur, ses yeux dans les siens.

Elle finit par poser ses lèvres sur les siennes et approfondit le baiser en se rapprochant de lui. C'était sa manière de s'excuser.

Devant le teint livide de Matt, Aya ne put que rire. Elle posa sa main contre sa joue, doucement, gardant un sourire bienveillant sur son visage.

- Tu as dû entendre parler de moi déjà, même si tu n'es pas ici depuis longtemps. Aya Matthews.

Il ne semblait pas rassuré de la voir jouer de la sorte avec son arme. Ainsi, elle alla la reposer à sa place. En revenant, elle se voulut rassurante.

- Psychopathe je ne pense pas, tu n'as pas de souci à te faire. Je ne m'en prends pas à ceux qui ne m'ont rien fait.

Aya alla se rhabiller, laissant Matt reprendre ses esprits.La jeune femme n'avait aucunement voulu l'inquiéter, il fallait sûrement le laisser seul un moment.

Aya s'était déjà installée à son bureau et avait instantanément ouvert tous les sites d'information possibles, dans toutes les langues qu'elle connaissait afin d'avoir une vue globale de ce qu'il se tramait aux quatre coins du monde. Elle avait enfilé sa paire de lunettes afin de protéger ses yeux de l'écran qu'elle pourrait bien fixer toute la journée.

Elle fut cependant interrompue dans son travail par Matt, qu'elle n'attendait pas revenir si vite. La jeune femme leva les yeux vers lui et ne sut que sourire devant le constat énoncé. Elle croisa les jambes en se basculant légèrement vers l'arrière avant de prendre la parole.

- Je ne suis pas n'importe qui parce que je les force à me donner de l'importance.

Ses doigts passèrent dans ses longs cheveux afin de les remettre en place.

- Pour en revenir à notre nuit, je pense que tu te doutes bien que ce n'était qu'un coup d'un soir. Enfin, peut-être pas que d'un soir. Ce n'était rien de sérieux, juste de l'amusement.

La jeune femme savait que prononcer ces mots allaient jeter un froid et faire disparaître le sourire du jeune homme. Elle reprit donc.

- Cependant, je te propose une place à mes côtés. Enfin, sous mes ordres. Cette ville dans laquelle tu viens d'aménager n'est pas aussi parfait qu'on vous l'a vendue. Et moi, je suis là pour nettoyer l'envers du décor.

Ses yeux ne l'avaient pas quittés une seconde.